La bière pétille au XIXe siècle.







Le monde de l’artiste


À la brasserie des Martyrs, à la brasserie Andler, sinon à la Grande Brasserie, dans les établissements du Quartier latin ou des Grands Boulevards, se retrouve volontiers une clientèle d’étudiants, de journalistes et d’artistes (Monet, Courbet, Vallès et Baudelaire). Le bourgeron et de l’ouvrier côtoient le costume et le haut-de-forme du bourgeois dans une ambiance bruyante, enfumée, dans un véritable corps-à-corps social. Ici, les femmes travaillent : sur , ou .
Édouard Manet, qui vient de croquer le graveur Bellot, membre et fondateur de l’association du Bon Bock (Le Bon Bock, 1878), met ici l’accent, le trait plutôt, sur une femme. La vaporeuse robe blanche de « » à demi cachée souligne le sérieux de la tenue de , en pleine lumière. Les hommes se détendent, parlent, . La pipe de terre blanche – une Gambier de Givet ou une Fiolet de Saint-Omer – d’un artiste en blouse fait le lien avec le haut-de-forme noir d’un bourgeois sans doute éméché. Le décor (lustre, fleurs peintes) soigne le clinquant.
La bière est servie dans des « bocks ».
Les grands verres contiennent à l’origine un quart de litre, puis passent à 20 centilitres. Leur nom provient de l’allemand Bockbier, soit « bière de bouc » selon le dessin d’une célèbre marque d’Einbeck. Manet naturaliste Manet opte ici pour un naturalisme tranché, au moment même de la sortie des romans de Zola (L’Assommoir, 1877). Il se tourne vers des scènes de brasserie, de café-concert, ainsi que vers les portraits de femmes du peuple ou de demi-mondaines.
Comment ne pas voir dans cette « serveuse de bocks » une autre Gervaise, travailleuse , si proche de la chute ? Comment ne pas voir dans ces hommes d’autres personnages des Rougon-Macquart, si réels cependant, malgré le voile de fumée ? Le peintre répond ici à l’écrivain.

Oefeningen - Exercices de français Didier Nourrisson.
Peinture : La serveuse de bocks. Edouard Manet