LE VOYAGEUR

 

LE VOYAGEUR

À Fernand Fleuret

 

Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant

La vie est variable aussi bien que l'Euripe

Tu regardais un banc de nuages descendre

Avec le paquebot orphelin vers les fièvres futures

Et de tous ces regrets de tous ces repentirs

Te souviens-tuLE VOYAGEUR. Guillaume Apollinaire. Alcools – poèmes 1898-1913. Frans leren, Vivienne Stringa

Vagues poissons arqués fleurs submarines

Une nuit c'était la mer

Et les fleuves s'y répandaient

Je m'en souviens je m'en souviens encore

Un soir je descendis dans une auberge triste

Auprès de Luxembourg

Dans le fond de la salle il s'envolait un Christ

Quelqu'un avait un furet

Un autre un hérisson

L'on jouait aux cartes

Et toi tu m'avais oublié

Te souviens-tu du long orphelinat des gares

Nous traversâmes des villes qui tout le jour tournaient

Et vomissaient la nuit le soleil des journées

O matelots ô femmes sombres et vous mes compagnons

Souvenez-vous-en

Deux matelots qui ne s'étaient jamais quittés

Guillaume Apollinaire (Alcools)

Le voyageur. Guillaume Apollinaire. Alcools – poèmes 1898-1913.