Le Brasier. Recueil de poèmes, Guillaume Apollinaire

Alcools. Recueil de poèmes, Le Bestiaire,  Vitam impendere amori. Guillaume Apollinaire
 

 

Le Brasier

 

À Paul-Napoléon Roinard

J’ai jeté dans le noble feu
Que je transporte et que j’adore
De vives mains et même feu
Ce Passé ces têtes de morts
Flamme je fais ce que tu veux

Le galop soudain des étoiles
N’étant que ce qui deviendra
Se mêle au hennissement mâle
Des centaures dans leurs haras
Et des grand’plaintes végétales

Où sont ces têtes que j’avais
Où est le Dieu de ma jeunesse
L’amour est devenu mauvais
Qu’au brasier les flammes renaissent
Mon âme au soleil se dévêt


Dans la plaine ont poussé des flammes
Nos cœurs pendent aux citronniers
Les têtes coupées qui m’acclament
Et les astres qui ont saigné
Ne sont que des têtes de femmes

Le fleuve épinglé sur la ville
T’y fixe comme un vêtement
Partant à l’amphion docile
Tu subis tous les tons charmants
Qui rendent les pierres agiles

 

   Je flambe dans le brasier à l’ardeur adorable     

 Table des matières 

Le Brasier. Alcools ; recueil de poèmes de Guillaume Apollinaire(1898 - 1912), Le Bestiaire, Vitam impendere amori, Frans leren, Vivienne Stringa