Sandrine Seyller, La Fable du pleurnicheur

 

La Fable du pleurnicheur

 

L'éléphant expliquait à l'homme avec des gestes de sa trompe :

    – Moi j'ai ma trompe pour soulever les arbres, mais toi tu as un outil plus puissant. Tu as le verbe pour soulever les hommes. Sandrine Seyller, La Fable du pleurnicheur, leerboek spreekvaardigheid, scholen, docenten, communication avancée, Uitgeverij, gespreksvaardigheid oefenen, erk-normen, methode spreekvaardigheid, mondeling eindexamen Frans, mondeling oefenen Frans, Frans leren, Vivienne Stringa, correspondentie, frans vertaligenTu as le verbe pour percer les mystères de l'univers. Tu creuses et tu t'enfonces parfois même si profondément que tu n'en vois pas la fin. Alors que moi, ma trompe n'est guère un outil de terrassement. Et pourtant j'aimerais bien moi souvent, voir jusqu'où descendent les racines des arbres.

De plus, pour nous les éléphants, il n'existe rien après la mort, aussi ne laissons-nous jamais rien derrière nous, sauf les empreintes de nos pas quand nous marchons. Alors que vous les hommes, après la mort, vous restez encore beaucoup dans les mémoires, vous subsistez à ceux à qui vous étiez chers sur une photographie ou dans des livres.

Aussi nous les éléphants, sommes bien à plaindre à côté de vous. Et pourtant avez-vous déjà vu un éléphant se plaindre ?

Non ! c'est bien le propre de l'homme de toujours pleurnicher. Vous nous coupez nos forêts, vous nous parquez dans des réserves, vous nous emprisonnez dans des zoos : toujours nous sommes stoïques ; et c'est encore vous

    – malgré tous les malheurs que vous nous infligez à nous autres animaux, vos frères.

    – qui trouvez le moyen de vous plaindre et de pleurnicher constamment. Bientôt il n'y aura plus qu'un seul animal sur terre : l'homme, et c'est celui qui pleure tout le temps ! L'homme par le verbe nous domine tous, et pourtant c'est bien la plus faible des créatures jamais engendrées par la nature. Quel paradoxe que l'homme !

Là-dessus l'éléphant quitta l'homme et s'enfonça dans la forêt. Le cornac délaissé, se mit à pleurer !


Sandrine Seyller