vendémiaire

 

 

Vendémiaire. Guillaume Apollinaire. Alcools – poèmes 1898-1913. Frans leren, Vivienne Stringa

VENDÉMIAIRE

 

Hommes de l'avenir souvenez-vous de moi

Je vivais à l'époque où finissaient les rois

Tour à tour ils mouraient silencieux et tristes

Et trois fois courageux devenaient trismégistes

Que Paris était beau à la fin de septembre

Chaque nuit devenait une vigne où les pampres

Répandaient leur clarté sur la ville et là-haut

Astres mûrs becquetés par les ivres oiseaux

De ma gloire attendaient la vendange de l'aube

Un soir passant le long des quais déserts et sombres

En rentrant à Auteuil j'entendis une voix

Qui chantait gravement se taisant quelquefois

Pour que parvînt aussi sur les bords de la Seine

La plainte d'autres voix limpides et lointaines

Et j'écoutai longtemps tous ces chants et ces cris

Qu'éveillait dans la nuit la chanson de Paris

J'ai soif villes de France et d'Europe et du monde

Venez toutes couler dans ma gorge profonde

Je vis alors que déjà ivre dans la vigne Paris

Vendangeait le raisin le plus doux de la terre

Guillaume Apollinaire (Alcools)

Vendémiaire. Guillaume Apollinaire. Alcools – poèmes 1898-1913.