Paradis artificiels

 

Paradis artificiels


Voix off

« Bruno a 30 ans, il s’occupe aujourd’hui de jeunes toxicomanes. Il revient d’une longue histoire avec la drogue. C’était il y a 15 ans. »

Bruno

« Le premier joint c’était à une fête de lycée. J’avais pas mal bu. Et en fait, j’avais des copains qui roulaient un joint dans un coin, je suis allé les rejoindre. Eux ne voulaient pas. Et je leur ai piqué leurs joints. Et je les ai fumés. Le résultat, c’est que j’ai été malade, j’ai vomis partout. Ca me fascinait. Il y avait le côté … enfin, tout ce que j’avais entendu, je savais des choses sur la drogue, je savais que c’était dangereux etc. Les joints, malgré tout, c’était quand même assez minimisé, les dangers. On m’avait toujours dit que c’était un paradis artificiel. Et comme moi, je n’étais pas bien dans ma peau, artificiel ou pas, moi j’ai retenu paradis. »

Voix off

« Didier Touseau est psychiatre. Il dirige la clinique Liberté qui accueille des toxicomanes. Il connaît bien les effets de la drogue. » Didier Touseau « On a expérimenté, ce que c’est que l’ivresse. Ce que c’est de modifier ses sensations. Alors, est-ce qu’on y trouve du plaisir ou non ? Pas forcément. Un certain nombre d’entre eux n’y toucheront plus jamais. Ils ont été dégoutés une bonne fois pour toute. » Voix off « Mais comment ça se passe quand on prend une drogue ? »

Didier Touseau

« En fait, on est dans une situation physiologique, c’est à dire que le corps va être brutalement modifié par une inondation d’un produit qui va essentiellement aller au cerveau. »

Voix off

« Notre cerveau contient 1000 milliards de cellules nerveuses qui sont connectées entre elles et chaque cellule peut être en rapport avec 10 000 autres. Normalement, les messages passent d’une cellule à une autre au niveau des synapses. Les drogues perturbent ces messages. »

Bruno

« En fait, c’est que, rapidement, avec le hasch et l’alcool, je ne trouvais plus mon compte. Donc, en fait, à un moment où ça allait très mal, j’avais envie de me foutre en l’air et à ce moment là, j’avais de l’héroïne à portée de mains, alors, j’en ai pris. Au moment où j’en ai pris, d’un seul coup, c’est comme si je n’avais plus de souci, comme si tout allait bien, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Et franchement, ça m’a apaisé tout de suite. »

Voix off

« Au niveau d’une synapse dans le cerveau, l’arrivée d’un message nerveux provoque la libération d’un neurotransmetteur comme la dopamine permettant la propagation de ce message d’une cellule à une autre. Le neurotransmetteur est habituellement détruit ou recapturé. Les drogues agissent sur la dopamine soit en bloquant sa recapture, soit en augmentant sa libération. Et dans ce cas, le neurone récepteur est trop stimulé. L’extasie on en parle beaucoup. C’est la drogue des années 90 souvent associée aux fêtes technos. C’est pour cette raison que Médecin du Monde fait de la prévention et de la formation sur le terrain parce que cette pilule dite du bonheur consommée de plus en plus est dangereuse. »

André Benezech, médecins du monde

« Une extasie, ça n’est jamais que la copie conforme d’une molécule qui est sécrétée à l’intérieur de nous même, ces fameuses neurotransmetteurs ou neuromédiateurs qui correspond à l’état qu’on ressent quand on est amoureux. Lorsqu’on est amoureux, on est plein de vie, souriant, heureux etc. L’extasie produit chimiquement la même chose. L’important, c’est d’être conscient du fait que c’est une réaction chimique, ça n’est pas quelque chose de naturel. Alors, c’est un plaisir spontané, rapide, efficace. Mais, il ne faut pas confondre le rêve et la réalité. »

Voix off

« Les usagers sont souvent très intégrés socialement. Laurence n’a pas souhaité être reconnue. C’est peu à peu, qu’elle est devenu dépendante à l’extasie. »

Laurence

« J’avais beaucoup lu à propos de cette nouvelle drogue, l’extasie. Ca m’a vraiment donné envie d’en prendre. J’ai su que quelqu’un en vendait. Je lui en ai acheté. Et ça s’est très, très bien passé. Ca m’a donné envie d’en reprendre tout de suite. Donc, dans la même journée, j’en ai pris deux. »

Voix off

« Nils Tavernier est comédien et réalisateur. Il a connu les drogues dures et s’en est sorti. Une de ses préoccupations aujourd’hui, c’est de prévenir et d’alerter. »

Nils Tavernier

« Les mômes il s se disent : « je vais prendre une extasie, c’est une drogue pénard. » L’extasie, tu prends une dose d’extasie, tu peux être scotché et malade, fou psychologiquement toute ta vie. Donc, c’est un vrai truc violent. »

Laurence

« Je me suis retrouvée dans un cercle de fêtards. J’étais plus ouverte vers l’extérieur, vers les gens, les autres parce que ça fait partie des effets de l’extasie. »

André Benezech, médecins du monde

« Un des gros problèmes que rencontrent les gens avec l’usage de drogues, c’est qu’ils sont très mal informés sur le fait qu’après avoir eu une montée impressionnante, il y a forcément une descente impressionnante. Ne sachant pas gérer cette descente, ils vont reprendre du produit pour rester dans cette espèce d’état très agréable. »

Voix off

« Mais, cet état agréable bascule souvent. »

Bertrand Lebeau, médecins du monde

« Il peut y avoir, disons, un certain nombre d’accidents aigus sous produit, ce qu’on appelle des mauvais trips, ça arrive avec ce type de produit. PABLO PICASSO Rêveries d'Opium: Fumeur en Calotte papale. Paradis artificiels didactische video's, texte scholen, docenten, texte audio Uitgeverij gespreksvaardigheid oefenen, erk-normen methode spreekvaardigheid, paradis artificielsIl peut aussi y avoir si les gens sont dans des atmosphères très confinées des élévations importantes de la température qui peuvent entrainer des conséquences pour la santé, par exemple des convulsions. C’est aussi une des raisons pour lesquelles la présence sanitaire sur ces rassemblements est nécessaire. »

Voix off

« Pour Laurence, petit à petit le malaise s’accentue. Elle cherche à se détacher de la fête et de la nuit. «

Laurence

« Quand j’ai décidé d’arrêter, j’ai arrêté mon travail qui était d’organiser des soirées. J’ai changé d’appartement, j’ai changé de relations. C’est un peu tous les gens que je voyais à cette période là. Je ne les vois plus, je ne les ai plus jamais revus. »

Bruno

« Partir, ça ne changeait rien. C’était emmener son problème ailleurs. Ca ne servait à rien. Ce qui m’a vraiment, à un moment, permis d’être aidé, ça a été des groupes de soutien avec des gens qui avaient eu le même problème qui m’ont proposé leur amitié, leur soutien.

Ils m’ont dit : « Voilà mon téléphone et tu m’appelles quand tu veux. »

En fait, ça n’est pas que je m’en sois énormément servi, mais le fait d’avoir des gens que je peux appeler n’importe quand, 24h/24, au moment où ça ne va pas. Et qui savent exactement ce que je ressens quand je leur explique ce que j’ai. Ca m’a énormément aidé. Tiens, je ne suis pas tout seul comme ça. »

Laurence

« Je ne tire aucune fierté de cette expérience. Et si je devais recommencer, je ne retomberais dans ce piège parce qu’en fait, on est des humains et on s’imagine qu’on peut prendre de la drogue comme ci, comme ça et le lendemain, c’est fini. Or, c’est absolument faux. Il y a toujours une tentation d’en reprendre et là, le piège s’ouvre très grand. »

Nils Tavernier

« Moi, je me suis sorti de la came grâce à des potes. Je me suis sorti de la came grâce à l’amour que j’avais pour la caméra, pour la peinture, pour les filles. Il faut savoir que quand tu commences à prendre de la came, tu n’as plus de relation sexuelle. Il faut quand même être lucide par rapport à ça. Ca vient très vite, même avec le pétard, ça te rend mou. Il ne faut quand même pas… il faut dire les choses un peu comme elles sont. Il y a un truc et c’est important. Que si tu es bourré, que si tu es une fille et que tu as envie d’être heureuse au lit, tu ne le seras pas. Que si tu es un mec et que tu as envie d’être heureux au pieu avec une fille et que tu es bourré, tu ne le seras pas, ça n’est pas vrai. Par sur la longueur. Et je pense que ceux sont des messages qui sont vachement importants à dire. »

Didier Touseau

« Les garçons et les filles dont on s’occupe ici, c’est un petit peu pareil. On a plutôt tendance à leur rappeler qu’ils ont un corps. Que sortir de la dépendance, c’est, certes, abandonner la prise de produit, mais c’est aussi se réoccuper de son corps. Donc, on aurait envie de dire qu’il faut prendre soin de soi ? Ca participe aussi d’une meilleure estimation de soi. »

Bruno

« J’ai fait assez vite du sport parce que j’avais trop de rage à sortir, je n’avais pas les mots à ce moment là pour les dire. Je manquais de vocabulaire pour exprimer ce que je ressentais. Et je ne pouvais pas rester sans produit en gardant tout ça. Sinon, je devenais fou. Et donc, je me suis mis à courir comme un dératé. A nager, à faire tout ce que je pouvais pour pouvoir un peu lâcher du stress. Ca me permettait de redescendre quand je pétais les plombs. La peinture, en fait, ça m’est venu en me rétablissant. J’ai eu l’occasion d’essayer, par la suite j’ai pris quelques cours, et voilà. C’est un moyen d’expression qui me permet aussi de me construire un monde un peu parallèle à la vie quotidienne. Ca m’arrive souvent, d’ailleurs, après avoir peint une après-midi de… Tiens, j’ai la solution pour telle chose ou telle chose. Aujourd’hui, ma vie n’est pas parfaite, je ne suis pas devenu parfait, mais je fais avec. Alors qu’avant, je le refusais, tout ça. Je suis devenu un homme heureux par moments. »