Robin Renucci

 

Les enseignants et la pratique du théâtre

Robin Renucci, acteur-réalisateur

 

 « Dans la réflexion politique, il y a un lien très fort entre le corps des enseignants et le monde des artistes et notamment de ceux qui profèrent, les acteurs, les auteurs de la parole écrite qui est relevée etc. Parce qu’il y a un soin qui est porté. C’est à dire que l’enseignant porte soin, apporte un soin, il transmet et il ne fait pas qu’enseigner, justement, il ne fait pas un signe, il est dans un rapport symbolique de transmission et même de pédagogie, d’accompagnement de l’enfant. Et dans ma préoccupation aujourd’hui, comme beaucoup d’autres, c’est de créer les ponts les plus fréquents possible entre les artistes et entre les enseignants. Parce qu’il me semble que leur expérience personnelle, aux enseignants, doit être accrue dans ce domaine.

Plus l’enseignant exerce lui-même cette capacité à travailler le langage, travailler le texte, lire à voix haute, être le premier lecteur de sa classe.

Par exemple, le conteur qui, dans ce geste symbolique, transmet quelque chose à celui qui reçoit et qui n’est pas dans le fait d’enseigner ou de montrer, de faire un signe, mais bien, de transmettre dans ce geste pédagogique d’autorité, car il s’agit de cela, de l’auteur encore une fois, de celui qui est auteur de ses actes dans sa parole proférée pour rendre l’autre auteur des siens. Car il n’y a d’autorité que dans le fait que celui qui la reçoit, la confère à celui qui la donne. Comme Diderot le dit, le prince détient de ses sujets mêmes, l’autorité qu’il a sur eux. Si je ne veux pas que quelqu’un ait de l’autorité sur moi, ça sera dans un cadre de refus. Et là, la discipline intervient et beaucoup d’éléments. Mais, si l’on sait qu’on vient s’abreuver à la parole de celui qui conte, de celui qui raconte l’histoire, la transmission, les mathématiques, la géographie, le français…

Donc, pour résumer, je suis soucieux de la formation de l’enseignant aujourd’hui. Je suis soucieux du fait qu’il exerce sur lui une pratique personnelle de la lecture à voix haute, du jeu théâtral, de la posture symbolique de celui qui transmet à celui qui reçoit. Et le théâtre est un vecteur formidable d’apprentissage pour l’enseignant. Il se trouve que j’ai reçu, beaucoup, des enseignants.

Et c’était toujours des enseignants qui avaient pratiqué dans un champ associatif, la plupart du temps, hors du cadre, parfois, de leur formation d’enseignants, bien qu’il y ait des lieux formidables pour ça qui Les enseignants et la pratique du théâtre. Robin Renucci,acteur-réalisateuraient été constitués. Des instituts de formation des maîtres ont été faits pour cela et ont permis à l’enseignant d’exercer pendant un temps sa pratique personnelle de conteur, de ne pas être divisé par la peur d’être devant l’autre, tout simplement. Parce que, parfois, c’est difficile d’être devant l’autre et de prendre la parole.

Donc, m’intéresser aujourd’hui à des jeunes filles, des jeunes hommes qui ont vingt ans, qui sont parfois les enfants de la télé, comme nos propres enfants, à qui on a fait beaucoup de signaux et de signes. Et la télé, elle ne parle pas à l’autre. Elle montre des signes mais, elle ne permet pas à l’autre de dialoguer, il n’y a pas de dialogue possible.

Donc, recréer un dialogue avec soi, avec les autres, avec les enseignants, avec les artistes qui sont dans un champ d’émancipation, la plupart du temps, c’est se soucier de la même manière du soin qu’on apporte à l’autre par la pédagogie, par la transmission et l’échange. Donc, je crois que c’est très important que les enseignants fassent du théâtre, comprennent l’art du symbole et partagent tous ces éléments là dans un contre courant, je crois, aujourd’hui, qui les amène la plupart du temps ailleurs. C’est à dire, dans la productivité de signes qui sont à saisir par celui qui est en face d’eux. C’est un monde un peu désincarné qu’on nous prépare. D’autant plus que la technologie va davantage avancer et qu’encore une fois, il faut la mettre au service et non pas en être esclave. Comme des écrans supplémentaires entre nous, entre humains.

Je pense que rien ne remplace la parole qui va à l’oreille de l’autre et le souffle et l’échange qu’il y a. Je crois que les enseignants doivent continuer à apprendre ça. Et je me fais fort, dans un cadre associatif, de créer une association, par exemple, qui a ce but, de réunir enseignants et artistes, parce que je crois que nous parlons très souvent de la même chose, du soin apporté à l’autre dans la pédagogie ou dans la transmission.

L’éveil et l’élévation, puisqu’on a face à soi des gens qui s’élèvent, qu’on appelle parfois des élèves. »