Paul Verlaine, Quinze jours en Hollande.

PAUL VERLAINE

QUINZE JOURS EN HOLLANDE

Paul Verlaine, Quinze jours en Hollande, Lettres à un ami.   Johan Thorn Prikker  Brieven  Philippe Zilcken  Souvenirs la Revue Blanche 1896. Frans leren, Vivienne Stringa

Zoom  Paul Verlaine. 1893. Anonyme.

LETTRES A UN AMI

JOHAN THORN PRIKKER

BRIEVEN, PHILIPPE ZILCKEN, SOUVENIRS

 

D'après : L'édition du premier centenaire de la naissance du poète.
HET SPECTRUM Utrecht / Bruxelles
Imprimé aux Pays-Bas. La revue blanche  1896.
Frans Leren, Vivienne Stringa. 2015.

 

Mon cher,

Vous m'avez manifesté le désir de lire, par lettres, un court récit de mon voyage en Hollande.

Voici, en quelques pages que je veux faire les plus remplies possible.

Invité par un groupe d'artistes et de littérateurs de là-bas à donner chez eux une série de conférences, j'accédai bien volontiers à leur désir, ayant toujours été curieux de ce pays que l'ingrat Voltaire, son hôte de corps et d'esprit, dénonce comme plein “ de canaux, de canards et de canaille ”, de ce pays qu'à mon tour je proclame plein, évidemment de canaux et de canards, mais plus encore de talent héréditaire et de traditionnelle histoire restée.

    Le 2 novembre 1892, le jour, précisément, des Morts, bon augure, je partis par la gare du Nord dans, grâces à des fonds miraculeusement venus des Pays-Bas, un wagon spécial de première classe, sinon en vrai souverain, du moins en prince encore très sortable — : miroirs aux panneaux, tablettes d'acajou relevées au juste moment pour déjeuner ou dîner, etc.

    Inutile, n'est-ce pas ? de vous dépeindre le triste paysage des environs de Paris, Saint-Denis excepté, avec son abbatiale jadis royale, toujours divine, et ses îles très passablement jolies en été, mais en cet automne qui décline, mornes à l'infini. Puis des fabriques de je ne sais quoi, les baraquements, cahuttes,Paul Verlaine, Quinze jours en Hollande, Lettres à un ami.   Johan Thorn Prikker  Brieven  Philippe Zilcken  Souvenirs la Revue Blanche 1896. Frans leren, Vivienne Stringa masures, ruines, à quel usage ? Un peu de sérénité paysanne s'ensuit après quelque vingt minutes d'une vitesse encore médiocre. De vraies terres labourées, des arbres authentiques viennent au-devant, filent et tournent derrière pour faire place au bout d'une heure environ, à la gare de Creil tout environnée d'usines d'un genre nouveau jusqu'à présent sur la ligne, faïenceries, chaudronneries, machines épuratoires et désinfectants, je crois, au milieu d'une campagne presque tolérable.

    Et, dès Creil quitté, le train roule à toutes roues jusqu'à Saint-Quentin : les paysages successifs qu'estompe la brume de la saison passent, passent indifférents comme dans un rêve ni bon ni mauvais, tandis que les fils du télégraphe s'abaissent et montent réciproquement et que les poteaux garnis de godets en guise de bourdons semblent de maigres capucins de cartes très grands. Et le panache blanc de la locomotive, seul panache, à parler généralement, mais si beau! de noire civilisation rabotée, se déploie gracieux et coquet sur et par les sites traversés.

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